La nuit du 28 octobre 2020 a-t-elle sonné – en catimini – le glas du Conseil National des Universités (CNU), c’est-à-dire de cette instance nationale essentielle qui, par ses missions, garantit un traitement national, équitable, impartial et collégial des différentes dimensions de la carrière des enseignants-chercheurs ?
La nuit du 28 octobre 2020 a-t-elle sonné – en catimini – le glas du Conseil National des Universités (CNU), c’est-à-dire de cette instance nationale essentielle qui, par ses missions, garantit un traitement national, équitable, impartial et collégial des différentes dimensions de la carrière des enseignants-chercheurs ?
C’est en effet dans la nuit du 28 octobre 2020, quelques heures après l’annonce d’un reconfinement du pays par le Président de la République, que le Sénat vote un amendement au projet de loi de « Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 » visant à supprimer l’étape de l’inscription des maîtres de conférences sur une liste de qualification établie par le CNU.
Sous couvert de « renforcer l’autonomie des universités en donnant à celles-ci les leviers d’une véritable politique scientifique et de ressources humaines », c’est bien de la disparition programmée du CNU et, avec elle, de la déconstruction du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont il est question ici.
Rappelons que cette instance nationale, dans le cadre des missions qui lui sont confiées, « se prononce […] sur les mesures individuelles relatives à la qualification, au recrutement et à la carrière des professeurs des universités et des maîtres de conférences. […] Pour chaque section, les critères et les modalités d'appréciation des candidatures […] sont rendus publics. Il en va de même des conditions dans lesquelles les sections formulent leurs avis. » (Décret n°92-70 du 16 janvier 1992 relatif au Conseil national des universités).
Supprimer, à la grâce de quelques sénateurs encore présents lors d’une séance nocturne et sans évidemment l’annoncer tel quel, cette instance nationale impartiale, collégiale et indépendante statuant sur les aptitudes des enseignants-chercheurs, revient ainsi à mettre fin au principe, ô combien fondamental et essentiel, d’évaluation par les pairs dans la discipline.
Les universités pourront désormais se passer de la liste de qualification établie par le CNU, c’est-à-dire par les pairs pour chacune des disciplines, pour l’accès au corps des professeurs des universités et procéder elles-mêmes à l’évaluation des aptitudes des collègues maîtres de conférences titulaires.
Malgré la mobilisation d’une très grande partie de la communauté universitaire suite au vote de l’amendement susmentionné, la Commission mixte paritaire (CMP) réunie le 9 novembre 2020 « a inscrit dans la loi une disposition spécifique demandant une concertation de l’ensemble des parties prenantes afin de penser les modalités de l’expérimentation proposée s’agissant de la possibilité pour les universités d’admettre des candidats non qualifiés à concourir à des fonctions de maîtres de conférences. »
Alors que l’on pensait que le mandarinat, le localisme et l’endogamie poussés à l’extrême faisaient partie d’un passé révolu au profit d’une reconnaissance au mérite par les pairs, la porte est désormais grande ouverte à ces pratiques et dérives d’un autre temps. C’est, à mon sens, une grave atteinte qui est ici portée à la communauté des enseignants-chercheurs et aux valeurs inhérentes à un service public d’enseignement supérieur et de recherche de qualité qu’elle défend, ainsi qu’à notre fonctionnement démocratique.