Green deal : où trouver l’argent ?

Agnès Bénassy-Quéré, professeure à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à l'Ecole d'économie de Paris, membre du Cercle des économistes

Alors que la présidente de la Commission européenne et celle de la Banque centrale européenne (BCE) rivalisent dans les ambitions « vertes », le citoyen peut s’interroger sur le rôle de ces institutions dans le financement de ce « green deal ». Ursula von der Leyen a évoqué le chiffre de 260 milliards d’euros d’investissements par an d’ici 2030 – soit environ 1,5 % du PIB de l’Union. Le chiffre est nécessairement approximatif. Cependant, même à 1% ou à 2% du PIB européen, cela dépasse largement les capacités budgétaires de l’Union dont l’enveloppe totale, toutes actions confondues, ne dépasse guère 1% du PIB ! 

Où trouver l’argent ? D’abord et surtout auprès du secteur privé, lequel regorge de liquidités. Mais pour que le privé se mobilise, il est essentiel que les pouvoirs publics – européens et nationaux - envoient un signal prix crédible : en donnant une valeur croissante au carbone, bien au-delà des 25 euros la tonne de CO2 observées sur le marché des droits d’émission et en l’étendant à tous les secteurs de l’économie (transport, chauffage, isolation…), ils feront éclore une multitude de projets « verts » dont la rentabilité fait défaut pour l’instant.

Que peut faire la BCE de son côté ? Comme d’habitude ! Acheter et refinancer des actifs présentant un faible niveau de risque, ce qui sera désormais le cas pour les actifs « verts » et de moins en moins pour les actifs « bruns ». Par la loi de l’offre et de la demande, les emprunts « verts » deviendront moins coûteux, les emprunts « bruns » plus chers. Nul besoin de réinventer la politique monétaire. Outre la tarification du carbone, la clé se trouve plutôt dans la régulation financière qui devrait davantage prendre en compte le risque climatique

Pourquoi ne pas laisser s’envoler dans le ciel européen un « hélicoptère vert », qui financerait directement et sans contrepartie les projets d’investissement écologiques ? La raison fondamentale est que si la BCE se met à donner (et non plus à seulement prêter, fût-ce à taux d’intérêt nul), elle réalisera des pertes, lesquelles seront répercutés à ses actionnaires qui ne sont autres que… les Etats, qui reçoivent d’elle des dividendes confortables chaque année. Dans ces conditions, il est plus direct de laisser les Etats s’endetter pour la transition écologique, en modifiant les règles budgétaires ou bien en faisant appel à la Banque européenne d’investissement. Il faudrait alors recapitaliser cette dernière de manière à ce qu’elle puisse augmenter sa force de frappe.

Finalement, ce n’est pas l’argent qui manque, mais plutôt le courage de tarifer correctement le carbone pour faire de la transition écologique une opération rentable, donc finançable.

 

Cette tribune a été publiée dans Challenges le 16 janvier 2020