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La faute à la mondialisation ? C’est faux et vrai à la fois

Jérôme Creel, économiste, Sciences Po, OFCE, Paris, et ESCP Europe
Francesco Saraceno, économiste, Sciences Po, OFCE, Paris, et LUISS

Les débats sur les effets néfastes de la mondialisation ressurgissent périodiquement et notamment lors des campagnes électorales. La mondialisation apparaît bien souvent comme la cause de tous les maux de la France : terrorisme, chômage, désindustrialisation, décrochage dans les classements de toutes sortes, crises européennes, tout serait la faute de la mondialisation. C’est à la fois faux et vrai.

La dette publique française est-elle soutenable ?

Ecole d’économie d’Aix-Marseille, EHESS et Association française de sciences économiques (AFSE)

On l’oublie un peu vite, mais lors de l’élection présidentielle de 2012, l’enjeu de la soutenabilité de la dette publique était beaucoup plus prégnant qu’aujourd’hui. La crise des dettes publiques européennes battait son plein, avec la faillite de l’Etat grec. Cinq ans plus tard, la politique d’assouplissement quantitatif pratiquée par la Banque centrale européenne (BCE) sous l’autorité de Mario Draghi a fait merveille. En rachetant massivement des titres de dette publique aux banques européennes, elle a contribué à diminuer considérablement la charge de la dette. Selon la Cour des Comptes, 40 % de la réduction du déficit public sous le quinquennat Hollande ont été obtenus à travers une réduction du taux d’intérêt, exigée par les emprunteurs sur la dette française. Le ratio de dette publique « au sens de Maastricht » a même baissé au troisième trimestre 2016 par rapport au second trimestre et s’établit à 97,6 % du PIB de la France. Le danger d’un étouffement des finances publiques et de la croissance sous le poids de la dette est-il définitivement écarté pour autant ?

Pour un petit pays comme la France, la réponse est de s’appuyer sur l’Union européenne

Economiste au Centre d’économie de la Sorbonne, membre de l’Association française de science économique (AFSE) et du Cercle des économistes

En 1436, la Chine s’est détournée de la mondialisation : un édit impérial ordonnait la destruction de sa puissante flotte maritime. Par la suite, la construction de navires de haute mer fut interdite, sous peine de mort. La priorité était en effet à la Grande Muraille pour résister à la pression mongole, et les mandarins considéraient l’agriculture, et non le commerce, comme seule source de richesse.

Cet épisode de fermeture rappelle que la mondialisation a d’abord une dimension politique, particulièrement sensible quand les technologies permettent un bond en avant : l’utilisation de la boussole et de navires de haute mer par les Chinois au XVe siècle, les porte-conteneurs et Internet aujourd’hui.

Il est donc naturel que la mondialisation s’invite dans le débat politique. Mais à la différence de la Chine du XVe siècle, la France est une économie de petite taille, déjà très engagée dans la mondialisation.

On n’a pas encore tout fait contre le chômage de masse

Professeur d’économie associé à l’Université d’Aix-Marseille, ancien président de l’AFSE.

Parmi les pays les plus développés, très peu souffrent d'une situation de chômage massif et durable. Il s'agit essentiellement des quatre pays de l'Europe du Sud (Italie, Espagne, Grèce et Portugal) et... de la France (Cf. Graphique 1). Au début de 2017, le taux de chômage s’élève ainsi à près de 10 % en France et, en moyenne, à environ 6 % dans l’ensemble des pays de l’OCDE. Les crises économiques, et en particulier la crise financière qui s'est amorcée en 2008, ne peuvent donc être invoquées puisqu’elles n’ont pas condamné les autres pays, qui les ont également traversées, à demeurer dans cette situation de chômage massif. Des destructions d’emplois induites par le progrès technique et l’économie numérique n’en portent pas non plus la responsabilité puisque, en France comme dans les autres pays développés, les gains de productivité sont très bas depuis le début des années 2000, à des niveaux rarement sinon jamais connus depuis le second conflit mondial (Cf. Tableau 1). Une insuffisance des dépenses publiques n’est pas non plus en cause : les Etats des nombreux pays au plein emploi ont tous été moins dépensiers que le nôtre. Les raisons d’un tel chômage massif diffèrent selon les pays qui en pâtissent, et je n’évoque ci-dessous que trois d’entre elles, parmi les plus importantes concernant la France, en reprenant des éléments des analyses développées avec Jacques Barthelemy (par exemple dans Barthelemy et Cette, 2015).