Comme le souligne le 6ème rapport d’évaluation du GIEC, les risques climatiques tendent à se multiplier et à s’aggraver, ce qui rend leur gestion de plus en plus complexe. En France, les récents épisodes cévenols et méditerranéens illustrent cette réalité, avec des coûts estimés à plusieurs millions d'euros. Selon les données GASPAR[1], près de deux tiers des municipalités françaises ont été touchées au moins une fois par une catastrophe naturelle depuis l'année 2000 (cf. Figure 1).
Figure 1 : Exposition des communes aux catastrophes naturelles depuis 2000
Comme le montre la Figure 2, la grande majorité de ces évènements sont des inondations, des sécheresses, des tempêtes et des mouvements de terrain.
Figure 2 : Les différents types de catastrophes naturelles en France
En tant que responsables de la sécurité et de la gestion de crise, les maires jouent un rôle majeur lorsqu'une catastrophe naturelle survient car ils doivent coordonner la protection et l'assistance à la population. Quels sont les effets des catastrophes naturelles sur les budgets municipaux ? Les plans de prévention des risques naturels sont-ils efficaces ? Les maires sont-ils récompensés lorsqu'ils mettent en place de tels politiques locales de prévention ?
Quels sont les effets des catastrophes naturelles sur les budgets municipaux ?
La gestion des situations d'urgence entraîne des dépenses supplémentaires pour les communes. Elles sont chargées de mettre en place des services d'urgence tels que les transports, l'hébergement temporaire et les communications.
En combinant les bases de données sur les budgets des communes françaises et sur les catastrophes naturelles depuis 2000, les travaux économétriques montrent que ces évènements ont un impact significatif et persistant sur les comptes municipaux (Morvan, 2024). En effet, les municipalités confrontées à un tel choc modifient leur comportement budgétaire, tant en termes de dépenses que de recettes. En moyenne, on observe une hausse des dépenses municipales, en réponse aux coûts immédiats liés à la gestion de la catastrophe ainsi qu'aux coûts de la reconstruction ultérieure, notamment en matière d'équipements.
Ces effets sont également persistants dans le temps. L'accroissement des dépenses se poursuit jusqu'à huit ans après le choc initial, révélant un effet de long terme et la difficulté pour les communes de revenir à leur niveau de dépenses initiales.
En réaction à ces hausses de dépenses, toutes les options pour générer des recettes sont exploitées. On observe une augmentation des subventions (témoignant du soutien de l'Etat aux municipalités), une hausse des recettes fiscales, ainsi qu'un recours accru à l'emprunt, ce qui conduit à une augmentation de la dette jusqu'à dix ans après la catastrophe. Ces résultats montrent que les communes françaises mettent de nombreuses années à absorber le choc d'une catastrophe naturelle.
On peut alors légitimement s'interroger sur le rôle des politiques publiques de prévention des risques naturels, qui ont pour objectif d'atténuer les effets de ces événements climatiques sur les budgets locaux.
Les plans de prévention des risques naturels sont-ils efficaces ?
En France, les collectivités territoriales comme les communes et les intercommunalités peuvent mettre en place des plans de prévention des risques naturels (PPRN). Ces plans sont souvent multi-risques et ont pour rôle de délimiter les zones exposées aux risques naturels afin de réguler ou d'interdire des constructions. Ils permettent également d'informer la population et de définir les règles d'évacuation, les consignes d'alerte et les mesures de soutien à la population. Près de 40% des communes de France hexagonale ont mis en place un PPRN depuis 1995 (cf. Figure 3).
Figure 3 : Catastrophes naturelles et Plan de Prévention des Risques Naturels
La comparaison des communes ayant mis en place des mesures de prévention avant une catastrophe naturelle avec celles sans politique de prévention permet de mesurer l'efficacité des plans de prévention des risques naturels. Les résultats économétriques (Morvan et Paty, 2024) montrent que, dans les communes qui ont mis en place des mesures de prévention, les catastrophes naturelles n'ont pas d'impact durable sur leurs budgets. Contrairement à celles qui n'ont pas pris ces précautions, ces communes n'augmentent pas significativement leurs dépenses sur le long terme à la suite d'une catastrophe naturelle. Elles sont capables d'absorber le choc.
Les maires qui ont mis en place ces plans de prévention sont-ils récompensés aux élections municipales ?
En analysant les résultats des élections municipales de 2008, 2014 et 2020, nous montrons que les maires ayant subi une catastrophe naturelle sur leur territoire ont moins de chances de remporter les élections suivantes.
Nous constatons également que les élus ayant mis en œuvre des plans de prévention ne sont pas récompensés par les électeurs (Morvan et Paty, 2024). Les citoyens ont une vision à court terme et ne perçoivent que les contraintes d'urbanisme notamment liées à ces politiques. Ainsi, les élections ne constituent pas un mécanisme efficace pour inciter les élus à adopter des politiques de prévention.
La gestion des catastrophes naturelles constitue un enjeu majeur pour les collectivités territoriales. Malgré la mise en place de politiques publiques visant à prévenir les impacts du dérèglement climatique, il est essentiel d'élargir la portée de ces initiatives et de leur accorder les ressources nécessaires. Une reconnaissance renforcée du rôle des politiques locales dans la gestion des risques naturels permettrait de garantir la résilience des territoires face aux défis climatiques. Enfin, l'information donnée aux citoyens sur les risques encourus et les mesures prises par leurs élus ne peut que les rendre eux aussi acteurs de cette résilience. Toutes les initiatives locales permettant de mieux les impliquer dans la prévention des risques naturels devraient être encouragées.
Sources
GIEC, 2023. AR6 Synthesis Report: Climate Change 2023. 6ème rapport d'évaluation.
Morvan C., 2024. Natural Hazard and Local Public Policies, Thèse de l'université Lumière Lyon 2.
Morvan C., S. Paty, 2024. Natural disasters and voter gratitude: What is the role of prevention policies?, Public Choice, 198, 427–465.
[1] Gestion ASsistée des Procédures Administratives relatives aux Risques, Ministère de la transition écologique, https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/base-nationale-de-gestion-assistee-des-procedures-administratives-relatives-aux-risques-gaspar/